Crime Passionnel

Dehors, il pleut. Ça fait cinq jours que je t'attends, assise au bord du lit, les cheveux en bataille, à me ronger les ongles. Si tu m'avais laissé un paquet cigarettes, je fumerais jusqu'au soir. Combien de temps encore vas-tu me laisser moisir dans ton silence, dans ta rancune interminable, dans ta course effrénée vers l'oubli?

Et à quoi bon? Parce que tu reviendras, épuisé de tes beuveries et de tes étourderies, le visage barbouillé de larmes, pour t'agenouiller comme un lâche et me supplier de te pardonner. Je le sais. Tu le sais. Entre nous, c'est toujours la même histoire.

Quand on me demande où t'es parti, je prétends que je m'en fiche, que j'irai porter tes vêtements à la décharge et que je brûlerai le reste dans un grand feu de joie. Je menace de t'attendre sur le seuil de la porte un couteau de cuisine à la main ou, mieux encore, au beau milieu du salon, en train de forniquer avec ton meilleur ami. Et dans mes rêves, tu peux me croire, je t'assassine dans tous les scénarios possibles, je te fais payer chacune de tes absences, tous les sourires que tu t'offres pendant que je me morfonds dans nos draps. Si seulement je pouvais. Sortir dans la nuit pluvieuse, choisir le premier venu du premier bar que j'aperçois et m'envoyer en l'air avec lui comme je ne l'ai jamais fait avec toi.

Parce que tu reviendras et tu répéteras comme un vieux disque rouillé tes promesses, tes larmoiements, ton charabia d'amoureux fou, de Roméo manqué. Et tu sais quoi? Je m'esclafferai. Je vomirai tout le mal que tu m'as fait dans un grand éclat de rire et j'espère que tu souffriras, j'espère briser toute cette comédie et tuer tout ce que je peux tuer en toi. Te faire rager, bouillir de haine. Devenir ton bourreau et broyer ton cœur dans ma main jusqu'à ce qu'il soit pareil au mien. Jusqu'à ce qu'enfin nous soyons réunis au bord du même gouffre, à crever du même amour, à patauger dans la même souffrance. À se dévorer comme des loups jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de nous, qu'un amas d'os au pied du lit.